La possibilité d’une médiation entre l’Algérie et le Maroc nous impose de rappeler que les relations entre les deux pays ont toujours été belliqueuses, chargées de tensions et ponctuées de conflits. Il s’agit de tensions historiques perpétuées dans le temps et tous les indicateurs sont au rouge entre les deux pays. Les relations diplomatiques sont rompues, les canaux d’échange pratiquement inexistants, hormis peut-être les questions de sécurité et de terrorisme, bien que nous ayons des doutes. Nous sommes à un point critique.

La situation apparaît très inquiétante pour un bon nombre de nations, notamment pour les pays occidentaux dont les intérêts sont particulièrement importants dans la région, surtout en ce qui concerne la lutte antiterroriste, nous assistons à une recomposition géopolitique en méditerranée et plus spécifiquement au Maghreb. Certains pays extrêmement influents sont très présents au Sahel, qui est la profondeur stratégique de l’Algérie et du Maroc.

Qui pourrait donc intervenir en cas de tension extrême entre les deux pays ? Je répondrais l’Europe et les Etats-Unis. Quoi qu’il en soit, il est impératif de tout mettre en œuvre pour une désescalade mais surtout pour une reprise du dialogue afin de traiter toutes les questions restées en suspens depuis des décennies, telles que celle du Sahara Occidental ou celle de la frontière fermée depuis 1994. Il est indispensable de sortir de cette escalade verbale. Les médiatrices algériennes et marocaines ne pourraient-elles pas tenter d’intervenir au sein de ces conflits, et dans un contexte où l’Algérie refuse toute médiation ?

Il faut souligner que les relations entre les deux peuples sont très solides, notamment grâce à l’importance des liens familiaux. C’est à ce niveau que les médiatrices pourraient opérer en mettant à profit non seulement ces liens, mais aussi toutes les nouvelles techniques de communication (réseaux sociaux et autres).

La situation est tellement délicate et compliquée que seuls ces peuples frères profondément liés pourront mettre fin à ces conflits permanents, et permettre ainsi la construction du grand Maghreb dont ils rêvent.

Par conséquent, en tant que médiatrices de la région, soyons téméraires et tentons d’assumer cette mission qui s’avère impossible pour les acteurs politiques, mais possible pour les peuples.  

Nouria Hafsi

Algérie

Malgré les tensions politiques des 40 dernières années qui freinent la construction de l’Union du Maghreb Arabe, des collaborations, échanges et partenariats existent entre les pays du Maghreb dans différents domaines tant économique, que social, scientifique, culturel et environnemental. Différents acteurs de la société sont impliqués dans ces actions communes dont les ONG pour les droits humains et plus particulièrement celles actives dans le combat pour les droits des femmes.

Le mouvement des droits des femmes au Maghreb est pluriel. Néanmoins, à certains moments clés de l’évolution de la question des droits des femmes, des synergies ont été construites, des concertations ont été entreprises et des actions de solidarités ont été menées. Depuis la Quatrième Conférence Mondiale sur la Femme de 1995, on a vu émerger une nouvelle façon de travailler, notamment à travers des réseaux ou des coalitions d’ONG qui se regroupent pour plaider pour des préoccupations communes, laissant de côté les divergences relatives au politique et au leadership. Ainsi les efforts ont pu être fédérés dans les pays, au niveau national et local, mais également entre les pays et à l’international. Partageant un socle culturel et religieux commun et un contexte ou le patriarcat demeure fort, les ONG maghrébines ont mené des recherches et analyses comparatives afin d’asseoir une compréhension commune de la situation et des enjeux des droits des femmes dans les différents pays. C’est ainsi qu’elles ont pu construire des stratégies de plaidoyer adaptées aux différents pays, et aux décideurs et acteurs au sein de ces mêmes pays. Ces recherches et analyses communes leur ont également permis de se connaître et d’apprendre de l’expérience des unes des autres. Ce travail en commun a largement contribué à la réussite du plaidoyer du mouvement des femmes pour les réformes entreprises par les pays maghrébins au cours des 20 dernières années. Ces réformes ont concerné l’amélioration du statut juridique de la femme au sein de la famille, la lutte contre les violences faites aux femmes, l’accroissement de leur participation politique et de leur leadership, mais également le renforcement de leur pouvoir économique. 

Ainsi, le mouvement des femmes maghrébines a réussi à acquérir une réelle expertise en matière de travail d’équipe, de stratégies et techniques de communication, négociation, médiation, mais également à maîtriser les sujets et les enjeux de l’Agenda Femmes, Paix et Sécurité. C’est un véritable vivier stratégique que les gouvernements de la région peuvent associer aux efforts d’établissement d’un climat de confiance, nécessaire au règlement des conflits existants.

Compte tenu de leur connaissance du mouvement des femmes au sein des différents pays du Maghreb, les médiatrices maghrébines du Réseau méditerranéen des femmes médiatrices peuvent contribuer à l’établissement de ce climat de confiance, en facilitant l’association de femmes de la société civile à cet effort.

Farida Jaidi et Zineb Touimi-Benjelloun

Maroc